Les migrations environnementales

Déplacés environnementaux, réfugiés climatiques, éco-réfugiés, migrants écologiques : ces différentes terminologies font écho à un phénomène global qui tend à s’intensifier, et encore insuffisamment considéré aujourd’hui dans les politiques de coopération et de solidarité internationale.

1.       Les migrations environnementales : définition équivoque et phénomène global

En 1985, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) propose une première définition des déplacés environnementaux comme des personnes « forcées de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente à cause d’une rupture environnementale qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie [1]». Pour l’heure, ces déplacés ne peuvent être juridiquement considérés comme des réfugiés : la Convention de Genève de 1951 ne tient pas compte des bouleversements environnementaux comme une cause de persécution. Il serait donc inadapté de parler de « réfugiés climatiques ou environnementaux ».

Aujourd’hui, le lien entre dégradations environnementales et déplacements de population semble incontestable. Pour la seule année 2019, le nombre de déplacés environnementaux est estimé à 25 millions. Pire encore, l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) estime que ce chiffre pourrait atteindre 200 millions d’ici 2050. Si ce phénomène migratoire conduit certaines personnes à quitter leur pays d’origine, on observe que la plupart des mouvements migratoires sont intra-étatiques*.

* Le Norwegian Refugee Council estime que dans huit cas sur dix, les déplacements se font au sein du pays.

2.       L’insécurité environnementale, un facteur d’aggravation des tensions existantes

Les phénomènes de dégradations environnementales, tels que les catastrophes naturelles extrêmes, la désertification des sols, ou encore la raréfaction des ressources, compromettent l’habitabilité des lieux, et conduisent à des déplacements de population massifs. Ces phénomènes accroissent les inégalités existantes et fragilisent les conditions des personnes les plus vulnérables.

Cette insécurité environnementale exacerbe des facteurs d’instabilité et d’émigration déjà existants, liés aux exclusions socio-économiques, aux conflits inter et intra-étatiques, aux tensions communautaires et aux instabilités politiques. Ainsi, les migrations environnementales sont le produit de causes multiples que le dérèglement climatique est venu mettre en lumière et accentuer.

3.       Un cadre juridique et de coopération internationale à repenser

Tout comme les migrations pour motif économique, les migrations environnementales ne font pas l’objet d’une protection internationale formalisée. Réviser la Convention de Genève pourrait permettre d’instituer le statut de « réfugié climatique », et ainsi de lui attribuer une légitimité internationale ; mais les politiques isolationnistes et le non-respect de la Convention actuelle par certains États rendent une telle manœuvre délicate.

Toutefois, la création d’un nouveau statut juridique et la reconnaissance de ce dernier apparaissent comme inéluctables au regard des pressions environnementales et démographiques, actuelles et à venir. Les migrations environnementales représentent une réalité ne pouvant plus être occultée davantage, devant contraindre ladite communauté internationale et les États qui la composent à repenser profondément leur politique d’accueil, leur modèle politique et économique.

Sources

[1] EL-HINNAWI, Essam, Environmental refugees, Nairobi : United Nations Environment Programme, 1985, 41 p.