Camille, travailleuse sociale à l’Hébergement d’Urgence pour Demandeurs d’Asile (HUDA) des Cinq Toits, témoigne sur le thème des liens entre travail social et écologie.
Questions écologiques et sociales s’imbriquent
En tant que travailleuse sociale, je dois admettre que je n’ai pas eu énormément l’occasion d’imbriquer les questions écologiques et sociales dans mes accompagnements. Non pas par manque d’intérêt pour ces questions mais par la place que les préoccupations/obligations juridiques, sociales et médicales prennent sur notre temps de travail.
Néanmoins avec mon arrivée sur l’HUDA Les Cinq Toits, j’ai découvert une belle combinaison des possibles. Combinaison accompagnement social / démarches écologiques possible car nous avons le soutien de l’équipe mixité et technique et également car nous sommes dans un lieu relativement propice au développement d’activités.
Nous concernant, les travailleurs sociaux, je nous vois davantage comme des relais d’information. Évidemment, nous pouvons nous investir de façon ponctuelle sur les activités d’agriculture urbaine ou de réemploi par exemple, mais je pense que notre rôle premier est de sensibiliser les résidents que nous accompagnons dans ces démarches environnementales afin qu’ils s’investissent eux sur les activités mises en place.
A ce titre, ce que j’ai pu remarquer avec le chantier de la Bricole c’est qu’au-delà d’apprendre à travailler le réemploi de matériaux (recyclage du béton de chanvre, réalisation d’une charpente traditionnelle avec du bois vieux de plus de 200 ans etc.), leur implication a eu de réels effets positifs sur leur moral et santé psychique.
En effet, leur investissement leur a permis d’exister en dehors de la procédure de demande d’asile à laquelle il est assez difficile de s’extirper (procédures OFPRA et CNDA qui s’éternisent, difficulté à accéder à une formation et/ou un emploi etc.). Pour certains ça leur a permis de dominer un peu leurs angoisses et pour d’autres, ça a été une façon de reprendre confiance. En étant des acteurs centraux dans ce travail de co-construction, ils ont pu s’impliquer sur une activité audacieuse et impactante et inverser la temporalité de l’attente dans laquelle les placent, malgré eux, les institutions en charge de l’asile en France.
Également, le fait de travailler avec, et, pour le collectif sur un espace bien délimité comme le centre des Cinq Toits a été une manière de consolider leur ancrage sur le site. Ce pouvoir d’agir leur a permis de s’identifier encore plus au lieu dans lequel ils vivent et de se l’approprier. En découle forcément une meilleure intégration et un meilleur vivre-ensemble.
A cet égard, La Bricole a permis d’initier des personnes voire créer des vocations pour les techniques du réemploi et de l’éco-construction. C’est ainsi qu’à la suite du chantier, trois personnes de l’HUDA ont pu intégrer une formation professionnelle en construction bois et deux d’entre elles ont ensuite poursuivi avec une formation en éco-construction. Initier aux enjeux écologiques permet donc également d’envisager une insertion professionnelle vers les emplois verts, aujourd’hui en forte expansion.
Puis, les résidents étant particulièrement volontaires à s’investir, il est selon moi vraiment souhaitable que l’on poursuive à leur proposer des activités où ils peuvent agir sur leur qualité de vie et prendre encore davantage conscience des problématiques écologiques. Et s’ils ne sont pas forcément motivés par les questions écologiques au premier abord, dans la mesure où ils souhaitent avant tout s’occuper pour ne pas rester à rien à faire, il reste tout à fait pertinent de les sensibiliser en cours de route, par la nature même des activités proposées.
Ainsi, l’agriculture urbaine et les ateliers partagés de La Bricole représentent une véritable aubaine pour les équipes présentes sur le site. A la fois fonctionnelles et didactiques, ce sont des activités qui permettent de transmettre des savoirs et savoir-faire (semer, planter, transformer en compost, réparer etc.) tout en questionnant les enjeux écologiques qu’ils induisent. Rendre acteur les résidents par des activités concrètes, qui plus est, écologiques, est un enjeu qui rentre complètement en adéquation avec nos missions de travailleur social.
En effet, l’accompagnement social a notamment pour mission d’accompagner les personnes à l’autonomie, à restaurer la personne comme acteur de sa propre vie, tout chose que la procédure de demande d’asile annihile largement. Aussi, la création de chantier participatif, d’atelier de réparation ou encore d’agriculture urbaine ont un grand rôle à jouer en parallèle de l’accompagnement social et juridique qui posent les bases de l’accès aux droits.
Il y a dans les principes écologiques de forts impacts fédérateurs et altruistes qui sont propices au vivre-ensemble et sur lequel le travail social fonde également son action. Travail social et écologie valorisent et reconnaissent ensemble les contributions et la créativité des personnes tout en favorisant les dynamiques citoyennes qui sont essentielles à mettre en place si l’on souhaite davantage de justice sociale.
Camille V., travailleuse sociale à l’HUDA des Cinq Toits