Adrien, professeur de français bénévole aux Cinq Toits

Les Cinq Toits, c’est aussi des bénévoles qui donnent de leur temps régulièrement pour faire vivre le lieu et y apporter leurs savoir-faire. À l’épicerie, à la Bricole ou comme professeur.e.s de français, nos bénévoles ont du talent et nous leur sommes très reconnaissant.e.s !

Aujourd’hui, Adrien, professeur de français bénévole aux Cinq Toits depuis la création du lieu, nous parle de son parcours, de son expérience de bénévole et de sa vision du collectif.

Le parcours d’Adrien, de l’industrie pharmaceutique au bénévolat.

Adrien est un ancien cadre de l’industrie pharmaceutique dans « les produits qui ne servent à rien et rapportent beaucoup » – les produits de médication familiale – directeur des ventes, puis directeur commercial, en dernier lieu directeur commercial d’une startup informatique dédiée à l’industrie pharmaceutique. Voilà pour le passé.

Au présent, Adrien est bénévole aux Cinq Toits, puis il fait un peu de conseil en entreprise par ailleurs, un petit peu seulement, « au début on est inquiet de ne rien faire, mais en même temps on s’y fait bien ! ». Il profite de son temps pour faire tout ce qu’il n’avait pas le temps de faire avant  : visiter des musées, puis s’enrichir un peu. Il avait à cœur de donner de son temps pour les ONG, associations, organisations de tout type dans le social et solidaire.

Rôle(s) aux Cinq Toits

Adrien travaille sur deux axes. Il donne des cours de français collectifs. Puis il fait un peu de coaching professionnel, mais il n’aime pas le terme : « c’est pompeux, ça ne veut rien dire ». Il veut sensibiliser les personnes qui assistent à ces cours aux métiers, en général, puis au vocabulaire associé. L’idée c’est aussi d’explorer les différents projets professionnels possibles, ouvrir des portes et avoir des idées ensemble. Au sein de ces activités, Adrien se doit aussi de prévenir les équipes des Cinq Toits en cas de changement d’états des résident.e.s, au plus intime de certain.e.s d’entre eux, les bénévoles peuvent aussi permettre d’accéder à un suivi moral et psychologique.

Dans le cadre de son action de bénévole, Adrien a travaillé avec J’Explore, une structure partenaire des Cinq Toits qui travaille dans la réalité augmentée. Ils ont donné deux cours en faisant usage de réalité augmentée afin de placer les étudiant.e.s immédiatement dans un environnement professionnel. Les retours ont été excellents. Adrien tente d’user d’une pédagogie innovante et de trouver de nouveaux outils de formation. L’expérience n’avait pas été reconduite, J’Explore a besoin de travailler sur ses développements propres aussi, mais c’est toujours un peu dans les tuyaux pour eux comme pour Adrien !

Au fait, un cours de français aux Cinq Toits, comment ça fonctionne ?

C’est de l’improvisation ! Adrien ne fait pas de cours didactique, « je ne suis pas professeur de français, qu’on soit clair ! ». Il se donne plutôt pour mission de sensibiliser sur une langue qui est parfois à des années lumières de la langue maternelle ou parlée couramment de ses étudiant.e.s, ne serait-ce qu’en termes de musicalité.

Adrien a quelques lignes directrices, « il ne faut pas exagérer » ! L’une des bases c’est la présentation en français – qui je suis, qu’est-ce que je fais – puisque c’est le premier pas vers la valorisation d’une existence et d’une expérience. La formation vient de la répétition. L’ancien commercial prend la parole, « un message est mémorisé environ à 20% à la première écoute », donc la répétition permet un progrès. C’est aussi pourquoi les cours collectifs sont privilégiés, il est possible de faire des groupes, ça permet une pratique, et des interactions plus libres, Adrien s’y adapte.

Il s’agit aussi de faire des phrases les plus courtes possibles  : sujet, verbe, complément. Après la présentation, le grand enjeu c’est de faire comprendre que l’objectif n’est pas de traduire littéralement les phrases de la langue maternelle vers le français. Une succession de phrases courtes permettront de définir un lieu, une situation, un besoin, une action… Il s’agit de faire simple et efficace, le passé c’est « j’ai », le présent « je », le futur « je vais », l’enjeu des terminaisons ne se pose donc pas. Puis Adrien rédige de petits scénarios au tableau ou sur papier, et l’exercice est de créer quelques phrases autour. Les différences de niveau favorisent l’entre-aide, tout le monde participe. Sujet, verbe, complément, c’est l’essentiel. « Je ne le dis même plus. Parfois, je dis ‘sujet…’ puis j’entends ‘verbe, complément ! ».

« L’objectif sublime c’est que lorsque l’un des élèves est avancé, il devient le professeur. »

La question du premier contact avec la langue.

C’est délicat. L’idée n’est pas de parler mais de faire parler, puis d’arriver à une première présentation/carte d’identité… Et puis, « il y a Google ! », qui vient bien en aide. Même si ça peut avoir ses limites, Adrien se souvient avoir tenté de traduire « présent, passé, futur », et s’être retrouvé avec une traduction proche de « cadeau, passé, futur ».

Motivations et opportunités, parcours jusqu’au bénévolat.

C’est une première expérience de bénévole pour Adrien.

« Je vais vous raconter un peu ma vie ! »

Adrien est allé aux Grands Voisins avec sa fille qui finissait ses études en graphisme, l’idée était d’éventuellement trouver des gens avec qui travailler parmi les entreprises installées là-bas. Puis de balade en balade il tombe sur un bénévole, Frédéric, qui lui explique un peu son rôle et son quotidien. « Ça m’intéresserait bien mais je ne savais pas par où commencer ». Les Cinq Toits venaient d’être crées , Frédéric et Adrien se sont donc occupés d’enfants déscolarisés pour tenter de fournir une formation et un cadre scolaire au sein du lieu. C’est comme ça qu’Adrien a pris ses marques aux Cinq Toits. C’est une opportunité complète, ça s’est présenté.

Retours sur expérience et apprentissages, que tirer de ces 4 années ?

« Là je vais être sérieux ». On vit actuellement dans une situation politique et morale qui implique l’exclusion d’immigré.e.s par certains partis, ce qui se répercute sur l’inconscient collectif de la population. « Je suis d’origine espagnole, né en Algérie, je porte un nom italien et je suis français », Adrien est particulièrement marqué par les lois Pasqua (1993) – toute personne née à l’étranger doit prouver sa nationalité française. Cela signifie que dès qu’Adrien doit (re)faire un papier il doit demander son certificat de nationalité française dans les archives de l’Algérie à Nantes. Ses parents ont refait leurs cartes d’identité à l’époque de l’adoption de ces lois, il fallait alors prouver qu’ils étaient français – « Là ils ont compris ».

Pour Adrien, « une nation c’est une association de personnes ayant les mêmes droits », c’est le droit égal de travailler, de faire souche dans un pays. Dans cette optique, sa contribution au projet des Cinq Toits comme professeur de français participe à un cycle nécessaire, il s’agit d’aider des gens qui s’installeront, aideront à leur tour la société par leur métier, leur dynamisme, leurs idées…

Pour finir, quelques anecdotes !

Récemment, trois de ses étudiants l’ont invité à déjeuner. Adrien voyait que quelque chose se tramait pendant le cours, puis en partant, l’un d’eux l’invite à déjeuner, « qu’est-ce que tu crois que j’ai fait ? j’ai dit oui ! ». Assis sur le tapis d’un des appartements des Cinq Toits, Adrien a pu bénéficier d’un repas généreux – une salade, et au moins 600 grammes de pâtes ! C’est cette satisfaction qui compte pour lui, celle d’un accueil bienveillant.

Il y a aussi de belles histoires ! Adrien donne un coup de main au CPH (Centre Provisoire d’hébergement) pour faire des CV, travailler sur l’insertion professionnelle des résident.e.s… Un jeune résident est alors venu avec un dossier d’embauche en CDD dans une entreprise, cela faisait alors 2 mois qu’il était en France. Il a été formé en Hollande par des ingénieur.e.s chinois.e.s sur la réparation des GSM Apple – « Il y en a qui se démerdent d’enfer quoi ! ».

Les anecdotes ne manquent pas, en 4 ans ! Adrien finit par conclure, sourire aux lèvres, que finalement pour lui la satisfaction c’est « quand ils sortent de [sa] vie ». Sur ces mots nous le quittons pour le laisser à ses étudiant.e.s, comme tous les mercredis.

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