Somalie, la voix sans issue

Aux Cinq Toits, un résident sur dix est somalien. Leur présence conséquente s’explique par vingt ans de guerre civile, d’instabilité gouvernementale et d’essor du terrorisme dans ce pays d’Afrique de l’Est. Aujourd’hui, nous cherchons à comprendre pourquoi plus de 900 000 Somaliens sont aujourd’hui réfugiés aux quatre coins du globe.

Troupes ougandaises en patrouille à Mogadiscio en 2011

Entourée par le Kénya, l’Ethiopie et Djibouti, la Somalie est un pays d’Afrique de l’Est situé sur la corne de l’Afrique. Sa population est presque uniquement musulmane (à 99%) et est en majorité issue de l’ethnie des Somalis.  Les clans occupent une place très importante dans le pays. Ces pouvoirs territoriaux, souvent en rivalité les uns avec les autres, rendent difficile toute gestion centralisée du pays. 

Ils [Al Chabab] organisent régulièrement des attentats dans les grandes villes, faisant de nombreuses victimes et plongeant un peu plus le pays dans l’horreur.

De longues années d’errance politique et de faiblesse de Mogadiscio (capitale) ont permis l’émergence de l’un des groupes terroristes les plus redoutés au monde : Al Chabab. Établis dans de nombreuses zones du pays, ils organisent régulièrement des attentats dans les grandes villes, faisant de nombreuses victimes et plongeant un peu plus le pays dans l’horreur. La fuite massive des civils est l’une des conséquences directes de ces attaques.


Retour sur 60 ans de conflits internes

Les années 1960, l’unité politique impossible en Somalie

Dans les années 1960, plusieurs tentatives de mise en place de gouvernements démocratiques voient le jour en Somalie mais sans parvenir à installer un pouvoir stable. 

En 1969 le général Mohammed Siad Barre mène un coup d’état qui offre une stabilité toute relative au pays. La république socialiste (proche de l’URSS) qu’il impose est d’abord accueillie positivement par la population avant que certains clans ne contestent son autorité. Des groupes rebelles émergent en opposition au pouvoir en place et entraînent la chute du régime en 1991.

Le début du chaos somalien

Dès la fin du régime de Siad Barre, le pays est aux mains des seigneurs de guerre et des déchirements internes entraînent la sécession de plusieurs parties du pays. En 1992, un mouvement mené par des chefs de guerre proclame l’indépendance du Somaliland, territoire du nord-ouest du pays et ancienne colonie britannique. L’ONU intervient, en vain, et les contestations ne cessent de s’amplifier. Le Puntland, territoire au nord-est, fait lui sécession en 1998. La conférence de la paix à Djibouti en 2000 tente de mettre fin à ces divisions internes en nommant un Gouvernement National de Transition. Créé par les autorités internationales, ce gouvernement peine à gagner en légitimité dans le pays. La population voit d’un mauvais œil l’ingérence internationale, et le gouvernement en exil n’aura qu’une autorité limitée laissant le pays en proie aux rivalités claniques.

L’émergence du terrorisme dans un état failli

Tous ces conflits internes favorisent l’apparition des Tribunaux Islamiques et leur branche militaire radicale : Al Chabab. Ces institutions, adeptes d’une mise en place de la charia, décident de s’organiser et se fédèrent en 2006, alors qu’Al Chabab prend le contrôle d’une grande partie du pays (dont la capitale Mogadiscio). Leur arrivée est plutôt bien accueillie par la population qui, meurtrie par des années de guerre civile, voit dans l’application stricte des lois islamiques un retour à une certaine stabilité. Une offensive de l’armée éthiopienne reprend le contrôle de la capitale, mais Al Chabab reste actif dans les zones rurales où ils sont largement soutenus par la population. Ni les forces de l’Union Africaine présentes sur le territoire depuis 2006, ni les offensives militaires kényanes ne sont parvenues à faire disparaître complètement ce groupe terroriste, qui prêtera allégeance à Al-Qaïda en 2012. Depuis cette époque, Al Chabab est implanté dans les parties isolées du pays depuis lesquelles ils préparent des attentats terroristes. Ces attaques touchent non seulement le territoire somalien jusqu’à Mogadiscio, mais aussi les pays limitrophes, faisant des dizaines voire des centaines de morts à chaque fois.

Une situation tendue depuis février 2021

Une nouvelle crise est venue menacer le fragile processus électoral en Somalie. Face à l’incapacité de tenir les élections présidentielles le 8 février 2021, le président sortant Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, a prolongé son mandat de deux ans, provoquant une grave crise constitutionnelle. Un long bras de fer a opposé l’a apposé à son premier ministre, qui était en premier lieu chargé d’organiser les élections. De nombreuses manifestations et affrontements armés sont survenus dans les rues de Mogadiscio depuis février. Cette énième crise au sommet de l’Etat vient fragiliser un peu plus un pays déjà particulièrement instable et exacerbe le sentiment d’insécurité de ses habitants, qui n’ont pas cessé de quitter le pays depuis des décennies.

Merci à Adèle Hourdin (équipe animation) pour l’écriture de cet article

Sources

Le Monde – 25/09/21 – Somalie : huit personnes tuées dans un attentat à la voiture piégée
Le Point / AFP – 26/04/21- Somalie: une crise politique qui fait craindre le pire
La Croix – 20/09/21 – En Somalie, la crise politique s’aggrave
La Croix – 28/12/19 – Plus de 79 morts dans un attentat à Mogadiscio
La Croix – 01/01/20 – La puissance des Chebabs en Somalie ne faiblit pas
Courrier International – 13/09/2021 – Terrorisme. La Somalie doit tirer les leçons de l’échec international en Afghanistan
Le Monde en carte – 25/11/2018 – Guerre, terrorisme, piraterie : Focus sur la Somalie
Gouvernement français – https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/somalie/presentation-de-la-somalie/
Agence des Nations Unies pour les Réfugiés – https://www.unhcr.org/fr/apercu-statistique.html