Conflit en Afghanistan : quelles évolutions ?

Sur les 340 personnes hébergées dans les centres d’hébergement des Cinq Toits, 108 sont de nationalité afghane.

Après presque quarante ans de guerre, l’Afghanistan semble s’enliser dans un sempiternel conflit. Cependant, après que Trump ait annoncé en 2018 un possible retrait des troupes américaines du pays, 2020 a vu des avancées inédites concernant ce conflit : peut-on vraiment espérer la fin de la guerre ? Spoiler : c’est pas gagné.

“Kabul’s Old City wall / Le mur de la vieille ville à Kaboul” by Canada in Afghanistan / Canada en Afghanistan is licensed under CC BY-NC-ND 2.0

Évolution des conditions d’obtention de la protection internationale : jurisprudence Kaboul

Depuis 2018, une jurisprudence dite “jurisprudence Kaboul” avait été mise en place à la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile), pour permettre d’accorder une protection internationale (qui comprend le statut de réfugié ou la protection subsidiaire) presque systématique aux demandeurs d’asile afghans, au vu des violences dans leur pays. Le 19 novembre 2020, la CNDA a décidé de mettre fin à cette jurisprudence, estimant que la violence qui règne à Kaboul n’est pas “suffisante” pour accorder une protection internationale. La fin de cette jurisprudence, qui avait permis à beaucoup d’Afghans d’obtenir l’asile en France, intervient comme un coup de tonnerre pour les demandeurs d’asile afghans, qui représentent la majeure partie des demandes d’asile en France (1).

Des accords inédits et des négociations aux enjeux énormes

La lassitude grandissante des différentes parties du conflit et l’enlisement des combats en Afghanistan entre le gouvernement de Kaboul, les Talibans et les forces états-uniennes ont finalement débouché sur plusieurs mois de négociations, afin de mettre en place un cessez-le-feu permanent et durable. 
C’était ainsi l’un des objectifs premiers des pourparlers entre États-Unis et Talibans, qui ont pris place à Doha (Qatar) et ont abouti en février 2020 à plusieurs accords, notamment : le retrait de toutes les forces armées étrangères d’Afghanistan, la promesse d’« empêcher l’utilisation du sol de l’Afghanistan par tout groupe ou individu contre la sécurité des États-Unis et de leurs alliés », afin de prévenir l’organisation d’attentats, et l’organisation de pourparlers intra-afghans entre le gouvernement afghan et les Talibans (2).
Ces pourparlers intra-afghans (premières négociations sans aucun observateur extérieur) ont débuté le 12 septembre 2020, toujours à Doha. Cependant, la MANUA (Mission d’Assistance des Nations Unies en Afghanistan) souligne avec préoccupation que les violences n’ont pas diminué depuis le début de ces négociations.

Des violences qui persistent et ne semblent pas ralentir

En effet, la situation en Afghanistan et notamment à Kaboul reste atroce : les attentats meurtriers continuent, avec une fréquence hélas très élevée : attentat dans une université début novembre, dans un centre éducatif quelques jours plus tôt, le 21 novembre à Kaboul… Ces attentats font chaque fois plusieurs dizaines de morts, sans compter les blessés. Au cours des six derniers mois, les talibans ont mené 53 attentats-suicides et déclenché 1 250 explosions, qui ont fait un total de 1 210 morts et 2 500 blessés parmi les civils (3), ont déclaré les autorités afghanes. La MANUA a recensé presque 6 000 victimes civiles – 2 117 tués et 3 822 blessés – pour la période de janvier à octobre 2020.

L’avancée des talibans vers le pouvoir ?

Une part non négligeable du territoire afghan (de 20 à 40% selon les sources) est contrôlée par les Talibans. Les avis divergent concernant le contrôle du reste du territoire. De plus, le fait que les Talibans soient les principaux interlocuteurs lors des négociations de paix, d’abord avec les États-Unis, puis actuellement avec le gouvernement afghan, les pose comme l’acteur majeur du conflit, voire l’acteur majeur de la paix si les négociations aboutissent.

Une attention soutenue de la communauté internationale

Les 23 et 24 novembre 2020 a eu lieu une conférence de l’ONU à Genève organisée par les Nations Unies, l’Afghanistan et la Finlande, sur le même modèle que la conférence organisée 4 ans plus tôt. Là encore, l’objectif était de mobiliser la communauté internationale pour obtenir une paix durable en Afghanistan, notamment via la levée de fonds. À l’issue de la conférence, qui regroupait plusieurs pays donateurs, 12 milliards de dollars ont été promis à l’Afghanistan d’ici 2024.
L’accent a été mis sur les enjeux des négociations de paix en cours à Doha entre gouvernement afghan et Talibans : la cessation de la violence bien sûr, mais aussi la décision de l’organisation politique pour le pays, notamment la place et les droits des femmes, et l’accès aux services publics tels que l’éducation, la santé, etc.
De plus, avec le nombre de victimes civiles qui ne semble pas décroître depuis le début des négociations de paix, le HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) souligne le besoin primordial de protéger les civils afghans, et de maintenir l’attention de la communauté internationale. Le HCR souligne aussi la nécessité de “trouver des solutions pour la population afghane déracinée” (6).

Références

1. Le Monde, Asile : la France revoit sa position sur l’Afghanistan
2. ONU infos, Accord entre les Etats-Unis et les Talibans : l’ONU salue les efforts vers un règlement politique en Afghanistan
3. Le Monde, Le centre de Kaboul secoué par une série d’explosions
4. ONU Infos, La communauté internationale doit continuer à aider l’Afghanistan (HCR)